Évaluation de la mémoire de travail tactile

AU CRESAM :

Depuis juillet 2020, deux professionnels du CRESAM (Psychologue et Conseiller référent formateur) bénéficient d’une formation sur l’échelle d’évaluation de la mémoire de travail tactile ou TWMS (Tactile Working Memory Scale) et sont désormais certifiés par le Nordic Welfare Center à son utilisation.

Cette formation leur a notamment permis de s’approprier les différents concepts de la mémoire de travail tactile et la passation de l’évaluation, mais leur a également permis de partager leurs expériences et de travailler en collaboration avec d’autres centres européens dédiés à la surdicécité (Suède, Norvège, Pays-bas, Ecosse, Angleterre).
Cette collaboration est toujours d’actualité et permet de faire évoluer les pratiques de chacun.
Si la démarche vous intéresse, contactez-nous : centre.res@www.cresam.org / 05 49 43 80 50

QU’EST-CE QUE LA MÉMOIRE DE TRAVAIL TACTILE ?

Pour le comprendre, il faut s’intéresser à la mémoire de travail.
Voici une série de chiffres :
3 – 7 – 5 – 9 – 1 – 4.
Prenez un temps pour les retenir, puis sans regarder, restituez-les dans l’ordre croissant.
C’est à partir d’exercices similaires à celui-ci qu’est évalué la mémoire de travail dans les évaluations neuro-psychologiques. Ainsi, cela démontrerait nos compétences à retenir la série de chiffres en mémoire à court terme, tout en effectuant le traitement : ranger par ordre croissant.
La mémoire de travail c’est comme la mémoire cache pour ceux qui connaissent le système informatique.
Plus largement, une bonne restitution par ordre croissant de ces chiffres permet de valider nos compétences dans : la compréhension de la consigne, la perception des chiffres, leur rétention en mémoire à court terme et la mise en pratique de l’opération rangement par ordre croissant.
La mémoire de travail intervient dans les procédures de traitement somatosensoriel et cognitif de l’information.
S’intéresser à cette mémoire de travail nous incite à réfléchir sur notre processus de perception de l’information, de rétention ainsi que de récupération en mémoire, et enfin sur le processus de traitement de cette information.
Maintenant que la mémoire de travail est mieux comprise, la mémoire de travail tactile correspondrait donc au processus de traitement de l’information tactile.


Échelle d’évaluation de la mémoire de travail tactile ou TWMS (Tactile Working Memory Scale)

Évaluer des personnes en situation de double déficience sensorielle (auditive et visuelle) est une démarche complexe, surtout lorsqu’il s’agit des personnes en situation de surdicécité primaire (sans communication codée).
En effet, la plupart des tests et échelles d’évaluation (cognitifs, communication, compréhension…) se basent sur l’utilisation de la vue et/ou de l’audition. Que peut-on alors déduire du résultat sachant que l’évaluation se base sur l’utilisation des sens altérés ?

Alors comment et pourquoi évaluer ?
Pour les personnes en situation de surdicécité, c’est principalement le sens du toucher qui vient compenser la double déficience auditive et visuelle. Il est intéressant dans ce cas d’utiliser une échelle se basant sur l’utilisation de ce sens pour mettre en évidence les compétences tactiles de la personne double déficiente sensorielle. C’est ce que propose le Tactile Working Memory Scale (TWMS ou échelle d’évaluation de la mémoire de travail tactile).


L’objectif de cet outil est d’évaluer par l’observation du comportement, les compétences tactilo-corporelles des personnes en situation de surdicécité primaire dans trois grands domaines :
– Perception de son environnement (spatial, objets, et personnes)
– Interactions sociales (présence de l’autre, tour de rôle, partage d’émotions…)
– Cognitif (attention, organisation, rétention, traitement de l’information,…)

Sur la base de cette évaluation, le TWMS propose également des stratégies d’aménagement de l’environnement et d’amélioration des interactions par le partenaire de communication pour aider la personne à développer ses compétences.

« Tout le monde est un génie. Mais si vous jugez un poisson sur ses capacités à grimper à un arbre, il passera toute sa vie à croire qu’il est stupide ». Albert Einstein

Le TWMS est une évaluation écologique, dynamique et transactionnelle.

Ecologique car l’évaluation est réalisée dans l’environnement naturel, familier, de la personne. Cela lui permet de montrer toutes ses capacités à utiliser ses sens et sa mémoire de travail dans un endroit ou dans des activités connues.
Exemple : une personne est autonome dans ses déplacements dans un environnement familier mais a besoin d’aide pour se déplacer dans un nouvel environnement. Il s’agit alors d’identifier les compétences cognitives mobilisées par la personne dans l’environnement familier afin de l’accompagner à les utiliser dans le nouvel environnement.
Dynamique car l’évaluation prend en compte le fait que ce qu’on évalue d’une personne à un instant T peut évoluer.
Exemple : au moment de l’évaluation, une personne peut être fatiguée, préoccupée puis à un autre moment elle peut se montrer très disponible, motivée, et en mesure de mobiliser ce qu’elle a appris précédemment…

Avec le TWMS, on va donc établir une première évaluation consistant à construire une ligne de base des compétences repérées (Present), les compétences émergentes (Emerge), et les lacunes pointées (Absent) qui sont alors considérées comme des axes de progression.

L’évaluation s’inscrit donc dans le temps et prend aussi en compte l’influence que peuvent avoir l’environnement et les partenaires sur la personne, c’est donc une évaluation transactionnelle.

Transactionnelle parce qu’elle prend en compte l’influence des partenaires et de l’environnement.
Contrairement aux évaluations qui catégorisent la personne (ex : autonome – peu autonome – pas autonome). L’évaluation transactionnelle invite à prendre en compte de manière plus large tout ce qui peut influencer la personne : son environnement et son/sa partenaire de communication.

En effet, une influence peut être négative et représenter un obstacle, tout comme elle peut être positive et représenter une stratégie d’accompagnement.
Exemple : les personnes double déficientes sensorielles ont souvent des fonctionnements et des modes de communication propres à leurs capacités sensorielles, à leur histoire…Si on souhaite que la personne ait une participation plus active dans l’interaction, il est important que le partenaire de communication, se montre réellement disponible, présent, à l’écoute ; capable de s’ajuster à la personne, à son rythme, à ses modalités de communication… Pour aider la personne en situation de surdicécité à montrer et développer ses compétences, il pourra dans le temps et selon les situations modifier sa posture, se montrer plus présent dans les contacts, dans le partage d’émotions, …

Lorsqu’on comprend que l’environ-nement ainsi que le/la partenaire de communication peuvent influencer les compétences de la personne, on saisit l’importance de ne pas figer l’évaluation mais de la faire dans un cadre dynamique, dans un environnement favorable et avec des partenaires de communication compétents pour motiver les interactions.

Pistes d’accompagnement :
« Checklist of learning strategies »

Le travail du Nordic Welfare Center se fait depuis de nombreuses années en collaboration entre des scientifiques et des accompagnateurs de terrain. C’est ainsi que l’échelle d’évaluation a pu être créée et testée auprès des personnes en surdicécité primaire, et c’est également ainsi que des stratégies d’améliorations ont été testées et validées par les professionnels qui accompagnent au quotidien ces personnes.

Le TWMS propose donc en parallèle de l’évaluation, des pistes d’accompagnement pour développer la mémoire de travail tactile des personnes dans différents domaines :
– Perception de son environnement (spatial et objets)
– Interactions sociales (présence de l’autre, tour de rôle, partage d’émotions…)
– Cognitif (attention, organisation, rétention, traitement de l’information…)

Ces stratégies sont regroupées dans la « Checklist of learning strategies » qui comporte de nombreuses explications et exemples très concrets d’accom-pagnement de la personne par son partenaire.

Ainsi, l’évaluation dynamique s’inscrit dans le schéma permanent :

Après chaque évaluation/réévaluation, et une fois les axes de progression identifiés, on peut proposer de nouvelles stratégies pour améliorer la compréhension de l’environnement ou pour que le partenaire de communication puisse soutenir les potentiels de la personne.


CRÉATION DU TWMS :

Cette échelle a été construite à partir de différentes recherches neuroscientifiques coordonnées par Jude Nicholas et le Nordic Welfare Center. En collaboration avec des professionnels de terrain travaillant auprès de personnes double déficientes sensorielles, M. Nicholas a fait le lien entre ses travaux sur le cerveau et la mémoire de travail, et l’observation des personnes en situation de surdicécité primaire pour créer le TWMS.
Après validation de l’échelle d’évaluation, Jude Nicholas, Annika Maria Johannessen, et Trees van Nunen ont publié différents articles sur le TWMS en 2019 :
https://nordicwelfare.org/en/publikationer/tactile-working-memory-scale-a-professional-manual/

Cette équipe continue à travailler avec cet outil et propose une formation aux personnes intéressées par la surdicécité et la modalité tactile.
Cette formation vous intéresse ? Contactez-les : https://nordicwelfare.org/


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Lire notre article sur L‘Echelle d’évaluation de la mémoire tactile


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